Est-ce qu’un festival comme les Petites Folies pourraitexister sans la puissance bénévole ?

Non. Ce serait impossible. Ce festival ne pourrait pas fonctionner sans bénévoles. Il existe différentes missions dans le festival, certaines demandent des compétences, des assurances, bref un carcan qui sera forcément de l’ordre du « professionnel » et mobilisera moins de bénévoles. Mais par exemple, tenir un bar éphémère de cette taille, avec son nombre de mètres linéaire, capable d’accueillir 10 000 personnes en un jour… Ce serait tout simplement injouable de réaliser cette prouesse autrement qu’avec des bénévoles. C’est tout le modèle économique du festival qu’il faudrait revoir.

La place qu’on donne au bénévolat dans un festival, c’est aussi une question de vision et d’engagement. En effet, le festival est un formidable espace qui permet de réunir des personnes de tout âge et tout horizon. C’est vraiment un espace de rencontres et de lien social. Ainsi, au-delà de la vision d’un modèle économique, intégrer des bénévoles à un festival, c’est aussi créer les conditions pour que des personnes puissent participer autrement à un projet artistique. C’est une vraie volonté d’intégrer de la diversité qu’elle soit générationnelle ou sociale.

Par exemple, pour les Petites Folies à Quiberon, on a essayé de trouver un équilibre entre professionnels et bénévoles, aussi parce que c’est hyper formateur d’être bénévole et de côtoyer tous ces corps de métiers dans le cadre d’un festival.

En fait, le bénévolat, cʼest aussi un moment de rencontre et de formation. Ça donne vraiment des velléités à certains, certaines de se lancer dans le secteur culturel par la suite.

Quel est lʼimpact dʼun festival de musique tel que les Petites Folies sur le territoire ?

Dʼabord, les habitants en sont très fiers. Lampaul-Plouarzel, cʼest quand même le village le plus à lʼouest de la France. Donc un festival de cette ampleur participe à lʼidentité locale, pas au sens extrême du terme, mais plutôt en termes de fierté, de faire connaître son bout de terre aux autres, partager son littoral, sa culture. Au niveau économique, en Pays dʼIroise, le festival est au cœur du village. Cʼest clair quʼil y a des retombées économiques sur les commerces, lʼépicerie qui est assez dévalisée, notamment par les festivaliers qui font du camping. Et bien sûr, il y a tous les logements en location qui sont pris dʼassaut. Les bistrots bénéficient complètement du public du festival, surtout ceux avec de grandes terrasses face à la mer, qui ont une situation assez extraordinaire.

Ils sont situés où exactement les bénévoles dans le festival ?

Cʼest une machine complexe, un festival qui fonctionne avec des bénévoles, des référents bénévoles et évidemment des référents professionnels. Je ne voudrais pas quʼon les oublie.

Accueil des publics, buvette et restauration, communication, catering des artistes, merchandising, brigade verte, programmation, sécurité, parking, camping, signalétique, installation, désinstallation, partenariats… Les bénévoles sont partout et on ne sʼen rend pas forcément compte !

Je pense que les plus visibles, ce sont les bénévoles qui sont au bar. Pour faire marcher le bar en Iroise, il faut en fait 60 personnes en permanence derrière le comptoir. Sur trois jours, sachant quʼon encourage plutôt les bénévoles à faire deux jours, étant donné quʼon les invite le troisième jour. Je te laisse faire le calcul…

Il y a aussi les bénévoles aux toilettes sèches, qui vont vraiment accueillir, expliquer le fonctionnement et sʼassurer que le public se sente à lʼaise et en sécurité. Les toilettes ne sont jamais les endroits les plus éclairés du festival, donc cʼest bien dʼavoir un vrai service de ce côté-là.

Je peux encore citer le camping où on les voit un peu plus les bénévoles grâce à la partie « accueil camping ». Nous avons ce quʼon appelle « la régie », qui est en fait une maraude pour sʼassurer que tout se passe bien et que lʼambiance est cool du côté du public.

Parmi celles et ceux qui sont moins visibles, il y a toute la régie gobelets, car on gère nous-mêmes les stocks. On a mis en place un roulement de nettoyage avec tout un protocole sanitaire. Donc là, cʼest quand même 12 personnes toute la journée qui lavent les verres et les font sécher. Par ailleurs, dans les bénévoles moins visibles il ne faut pas oublier lʼéquipe catering, qui sʼoccupe de préparer les repas pour les 750 bénévoles, les équipes professionnelles et les artistes.

Et puis, ce quʼon ne voit peut-être pas non plus dʼailleurs, ce sont les bénévoles en électricité et en plomberie. On en manque souvent. Les gens ne savent pas quʼils peuvent donner du temps sur ces postes en ayant des compétences spécifiques. En fait de nombreuses personnes aiment bricoler, bidouiller, ils lʼont déjà fait sur des projets de rénovation ou autre. Et bien ces gens peuvent aider les équipes électricité et plomberie. En communication, on a des missions dʼaffichage, notamment en amont, et puis il y a tout le montage et le démontage. On manque souvent de ces bénévoles à ces endroits.

Je ne veux pas omettre lʼéquipe développement durable, qui travaillent surtout en journée. Ils ont une sacrée mission, surtout que je rappelle quʼon est dans un endroit protégé sur les deux sites, à Quiberon et Lampaul-Plouarzel. Il faut au maximum préserver les lieux, ramasser les déchets, sensibiliser les festivaliers… ! TOUS les bénévoles sont invités au festival, bien évidemment.

Clairement, sans la puissance de lʼengagement bénévole, les festivals ne pourraient ni déployer leur projet artistique, ni accueillir le public, et encore moins lʼentourer dʼidées nouvelles. A l’inverse, sans les festivals qui intègrent des bénévoles, il y a peu d’espace où des personnes d’âges et de milieux différents pourraient se côtoyer. Ce sont des véritables vecteurs de « vivre ensemble ».

Est-ce quʼon peut dire quʼun festival est transformé par la contribution des bénévoles ?

Absolument ! Ils donnent à lʼévénement sa personnalité, son énergie et son hospitalité. On a des gens en rupture sociale que le festival aide aussi à retrouver une vie sociale. On crée pas mal de partenariats avec des structures sociales et de santé. Cʼest très intéressant, toute cette diversité. Le festival est aussi là pour ça. Il est relié aux bénévoles. Ça fait partie de la mission, du projet des Petites Folies. Lʼun ne va pas sans lʼautre.

Du côté de lʼambiance, je dirais que ça reste constant, toutes les « cuvées » de bénévoles sont géniales à leur manière. On fonctionne avec des référents bénévoles sur chaque grosse mission, avec 1 ou 2 personnes par pôle.

Au bar, cʼest même un trinôme, vu que cʼest énorme. Selon la personnalité de ces référents, ça change vraiment la donne et lʼambiance. Sʼils arrivent bien à sʼemparer de leur rôle dʼanimation, cʼest juste la folie. Ils impulsent une dynamique incroyable.

Tu accueilles des bénévoles mineurs aussi ?

Par rapport aux plus jeunes, je suis pour intégrer les mineurs systématiquement, je leur trouve toujours une place. Il y a toute une approche bénévole quʼon peut avoir dès lʼâge de 15/16 ans. Il y a des bénévoles qui ont commencé par exemple sur le parking, en accueillant les voitures, et qui aujourdʼhui sont au stand barbecue. Pour certains jeunes du village, cʼest un rêve de participer aux Petites Folies et de vivre ça de lʼintérieur, de connaître cette ambiance, de vivre ces rencontres. Ils grandissent avec le festival.

Lucas, à 14 ans, venait me voir : il était volontaire pour aider sur toutes les missions qu’on avait. Il y avait toujours un bénévole adulte pour l’emmener partout avec lui dans le festival. Aujourd’hui, 8 ans après, il est toujours bénévole et se qualifie lui même de « couteau suisse » qui peut aider à des tas d’endroits différents ».

Comment fais-tu pour que tout le monde se sente bien ? Quels sont tes secrets pour bien accueillir et donner envie aux bénévoles de sʼengager sur le long terme ?

En tant que coordinatrice bénévole, jʼapporte toujours beaucoup de soin et dʼattention à lʼaccueil des bénévoles. Dans la prise de contact dʼabord, je tiens toujours compte des choix avant de proposer une mission au bénévole. Il ne mʼest jamais arrivé de ne pas respecter les préférences de quelquʼun. Si, pour une raison quelconque, cela se produit — par exemple, si un bénévole est disponible en journée, mais a choisi le bar, et que nous nʼavons pas de bar en journée — je lui envoie un message personnalisé. Cela demande énormément de temps, surtout avec 750 inscrits, mais cʼest essentiel pour que tout fonctionne correctement. Nous prenons en compte aussi les souhaits des personnes qui veulent être avec un groupe et nous les laissons ensemble. Ainsi, quand nous formons des groupes, ça les invite à revenir. Personne ne se retrouve isolé, et celles et ceux qui veulent vivre lʼexpérience avec leurs amis peuvent le faire. Ça joue un rôle essentiel. Je leur demande systématiquement combien de jours ils veulent sʼengager sur le festival pour respecter leur rythme et lʼimplication quʼils veulent y mettre.

Après, lʼaccueil pour moi, cela commence par le fait de sourire, de tenter de se souvenir de leurs prénoms (oui, les 750).
Grâce à WhatsApp, nous avons entre autres réussi à améliorer cette atmosphère en créant des communautés et des groupes. Cela a rendu la participation bénévole plus active, notamment en amont de l’événement. Les bénévoles échangent des idées et des informations, ce qui renforce le sentiment dʼappartenance à une équipe, et contrebalance le fait quʼils ne se connaissent pas forcément en amont.
Et puis je crois que les gens se sentent plus impliqués. Plus une personne participe, plus elle se sent responsable et engagée dans le projet. Je crois que cette méthode de participation, notamment via ces réseaux conversationnels, est très efficace.

Il est important de montrer aux bénévoles que nous apprécions leur engagement, par exemple, avec de petits cadeaux. Cette année, les lunettes de soleil et les t- shirts ont eu beaucoup de succès.
Ces petites attentions contribuent à créer une ambiance chaleureuse. Oui, faire preuve de gratitude cʼest essentiel !

Comment JeVeuxAider.gouv.fr tʼaide à mobiliser les bénévoles ?

Je pense que je vais lʼutiliser davantage pour compléter les équipes. Je trouve vraiment que lʼusage dʼune plateforme a une valeur ajoutée pour apporter un second souffle aux bénévoles « fidèles ». Surtout quand on est au pied du mur parce que cʼest ultra efficace. ✊

Il y a deux ans, par exemple, cʼétait à J – 5 du festival, et jʼavais 10 annulations, autrement dit « la cata ». Jʼavais posté une mission et trois jours après, jʼavais pu refaire mon staff. Les gens nʼhésitent pas du tout à appeler ou à répondre aux annonces en ligne.

Et toi quʼest-ce que ça tʼapporte le bénévolat à titre individuel ?

Les rencontres, sans hésitation ! Une partie des bénévoles sont aussi des copains. Avec les Petites Folies je fais un pas de côté. Je retrouve lʼambiance festival, qui nʼest pas du tout lʼambiance dʼun projet porté à lʼannée et en plus ce qui est exaltant, cʼest que dans le bénévolat, je ne fais pas du tout le métier que jʼexerce au quotidien. Certains aiment faire du sport dʼautres aiment faire du tricot. Ben moi jʼaime bien faire des tableaux Excel. Jʼaime bien coordonner des bénévoles. Jʼaime aussi le fait que ça ne soit pas que ponctuel et tisser une relation avec toute lʼéquipe professionnelle et la communauté bénévole. Finalement, je suis déjà bénévole six mois avant lʼévénement. Ce sont des moments joyeux. Et puis tu es bénévole sur le temps de loisirs des personnes. Donc en fait, cʼest plutôt agréable dʼêtre là pour leur faire passer un bon moment.
Ce nʼest pas mon cas, mais jʼai aussi remarqué que certaines personnes choisissent de faire du bénévolat pour profiter du festival. Cʼest une façon pour elles dʼaccéder à la musique et aux festivités, peut-être parce quʼelles nʼont pas les moyens dʼy accéder autrement. Il y a donc une forme de réciprocité qui nʼest pas typique du bénévolat, mais qui existe dans ce contexte. Cependant, ce nʼest pas la majorité. Beaucoup aiment vivre les événements en tant que bénévoles et sʼinvestissent pleinement, parfois pendant huit heures ou plus. Ils ne cherchent pas forcément à assister aux concerts, mais à vivre lʼexpérience du bénévolat en tant que telle. Ce qui est important de garder à lʼesprit cʼest que le bénévolat, ça doit rester « fun ». Cʼest une règle dʼor ! Je ne vais jamais en vouloir à un bénévole qui refuse de faire une mission. La personne a le droit dʼavoir ses raisons et de ne pas vouloir aller sous la pluie battante débarrasser une table. Cʼest son choix.

En fait, ça doit rester un plaisir le bénévolat. Je veux dire encore une fois que : si je fais des tableurs Excel, cʼest que ça mʼéclate vraiment (rire). Il nʼest pas question de transformer ça en une tâche ingrate que je subirais. Moi le bénévolat, le fait de rester 10 jours sur un festival, c’est ma « colo » ! J’adore ça et j’ai toujours adoré ça !

Cette mission de coordination est très intéressante car elle se situe entre l’équipe technique et l’équipe de production. Je porte la voix des bénévoles qui vont soutenir la prodʼ et à la fois des bénévoles qui vont soutenir la technique et je me sens comme un maillon de quelque chose de plus grand. Je trouve que c’est d’autant plus justifié d’être bénévole sur cette mission au même titre que les autres bénévoles. Je représente des gens qui sont libres en fait et qui viennent comme ils ont envie. Charge à moi aussi de les motiver, mais quoi quʼil en soit ils restent libres. Cʼest aussi ça qui est très très beau. 💗

Tu les qualifierais comment les rencontres que font les bénévoles ?

Alors là cʼest la sociologue de formation que je suis qui va te répondre : cʼest vrai que le festival cʼest aussi un autre terrain dʼobservation très intéressant. Cela révèle des changements dans les loisirs et les motivations des gens. Les questions que vous me posez, je les pose également aux bénévoles. Cela permet de comprendre pourquoi ils sʼengagent. Beaucoup voient cela comme une opportunité de rencontrer des personnes dʼhorizons différents, de sortir de leur zone de confort. Par exemple, au bar, vous pouvez vous retrouver à travailler avec un étudiant bénévole ainsi quʼavec un banquier du coin. Cette diversité enrichit
lʼexpérience et crée des interactions inattendues.

Ma nièce, que jʼai embarquée dans cette aventure et qui a 22 ans, mʼa partagé son expérience : elle sʼest liée dʼamitié avec des personnes de 60 ans. Elle trouve cela génial de pouvoir boire un verre avec des sexagénaires tout en ayant des amis de 20 ans quʼelle a rencontrés dans sa mission. Elle me dit que cʼest super, que cʼest très facile de créer des liens. Certains lʼont même invitée en vacances.

Cʼest vraiment ce que le festival des Petites Folies actionne : une occasion unique de rencontrer des gens et de sortir de son cercle intergénérationnel.

Est-ce que tu as lʼimpression quʼil y a une forme de solidarité entre les bénévoles, et quel conseil donnerais-tu à celles et ceux qui hésitent à se lancer ?

Dʼabord, le format festival, cʼest vraiment super pour commencer le bénévolat.
Si les gens ont peur de se sentir à part, il est préférable de rejoindre des équipes conviviales, comme lʼaccueil du public, le bar ou la restauration. Dans ces secteurs, on fait rapidement connaissance avec les autres. Ce que les gens redoutent le plus, cʼest dʼêtre isolé et de ne pas se sentir à lʼaise, car cela les sort de leur zone de confort.

Mais toutes les personnes que jʼai vues venir seules ont fini par sʼintégrer, car il y a beaucoup de bénévoles sympathiques et qui n’hésitent pas à intégrer les nouvelles personnes. Si on hésite, on peut toujours venir avec un ami. Cependant, même ceux qui viennent seuls finissent par se faire des amis et trouvent leur place. Certains m’envoient 12 mails avant de venir pour savoir comment ça se passera, et je réponds à chacun dʼeux. On ne laissera jamais personne dans son coin, isolé. Jamais !