
Habitat et Humanisme, Marie :
Comme beaucoup d’associations qui viennent en aide aux personnes en difficulté, nous observons depuis plusieurs années une aggravation de la précarité : davantage de personnes concernées, des profils plus variés et des situations plus lourdes. On voit par exemple arriver une « troisième génération » d’exclus, avec des jeunes qui ont grandi dans la précarité et présentent déjà, très tôt, des troubles psychiques.
Dans son rapport sur le revenu médian des personnes qu’ils accueillent, le Secours Catholique parle de 565 euros par mois en 2024. Cela donne une idée très concrète de ce que signifie « vivre en grande précarité ».
Ce qui ressort fortement, c’est l’isolement. Trois publics se détachent particulièrement :
- Les seniors à très faibles revenus, souvent sans soutien familial et qui ne sortent pas ou peu de chez eux.
- Les jeunes en rupture, pas seulement ceux issus de l’aide sociale à l’enfance : beaucoup ne sont tout simplement plus soutenus par leurs parents.
- Les familles monoparentales, majoritairement des femmes seules avec un ou plusieurs enfants, qui se retrouvent dans une grande vulnérabilité économique et sociale.
La situation est aggravée par la crise du logement : marché tendu, loyers très élevés, manque de places dans le logement social (en fait 70 % des Français sont éligibles aux logements HLM), et surtout très peu de logements accessibles aux ressources les plus faibles. C’est précisément ce que nous produisons : du logement « très social ». Nous construisons ou rénovons environ 300 nouveaux logements par an via notre foncière solidaire et nous mobilisons environ 650 logements auprès de propriétaires solidaires que nous louons à des ménages en difficulté.

Solinum, Victoria :
De notre côté, via Soliguide, on observe une hausse impressionnante des recherches liées à l’aide alimentaire. C’est un indicateur préoccupant : si les besoins les plus essentiels explosent, c’est que beaucoup de gens basculent dans la pauvreté. Et si on ne répond pas à ce socle de la pyramide de Maslow ça veut dire que les autres besoins ne sont probablement pas remplis non plus.
Au-delà des chiffres, ce qui nous inquiète, c’est le risque d’aggravation dans les années à venir. Beaucoup de personnes sont proches du point de bascule : un problème de santé, une rupture familiale, un loyer qui augmente… La pauvreté résulte souvent d’un cumul de vulnérabilités. Et si on n’agit pas aujourd’hui, la situation risque de s’aggraver dans les années à venir.
On parle beaucoup du taux de pauvreté, mais il faut se rappeler que ce chiffre est relatif au revenu médian. Ce qui évolue fortement, en revanche, c’est le taux de pauvreté ressenti, qui est passé d’environ 12 % à 19 % entre 2015 et 2022.
Solinum, Victoria :
En 2018, une étude montrait que 71 % des personnes sans domicile utilisaient un smartphone. Leur capacité à manier les outils numériques est comparable à celle de la population générale. Mais cela ne résout pas tous les défis d’une personne à la rue : l’accès à la connexion reste difficile, tout comme les démarches administratives en ligne. Remplir un formulaire administratif, par exemple sur un téléphone portable, c’est un vrai parcours du combattant.
Il existe aussi un énorme préjugé : on s’attend à ce qu’une personne à la rue « galère sur absolument tout », et si elle a un smartphone, cela devient presque suspect. Pourtant, aujourd’hui, ne pas avoir de téléphone, c’est être coupé de tout : emploi, géolocalisation, prise de rendez-vous… C’est devenu un outil vital.
Habitat et Humanisme, Emilia :
Depuis 40 ans, l’association repose sur un modèle « loger et accompagner ». L’accompagnement (porté par une équipe de bénévoles et de salariés) est essentiel pour retisser du lien, avancer au rythme de la personne et changer aussi notre propre regard sur la précarité.
Nous proposons différentes solutions d’habitat selon les parcours de vie : pensions de famille, maisons intergénérationnelles, logements pour seniors isolés, lieux d’accueil pour des personnes avec troubles psychiques, centres d’hébergement d’urgence… À chaque fois, l’objectif est le même : offrir un cadre stable et retisser du lien social.
Habitat et Humanisme, Emilia :
On apprend à accompagner… en accompagnant. C’est pour cela que nous avons un parcours de formation, des temps d’accueil, d’intégration, et aussi des groupes de parole où les bénévoles peuvent partager leurs difficultés. C’est essentiel de pouvoir réfléchir à sa façon d’accompagner régulièrement. D’ailleurs, c’est obligatoire pour les travailleurs sociaux et ça doit l’être encore davantage pour les bénévoles.
Le respect passe aussi par une posture : laisser la personne exprimer ses besoins, favoriser son pouvoir d’agir, avancer à son rythme. On est là pour accompagner là où elle veut aller, pas pour décider à sa place.
Parmi les bénévoles, il y a aussi des personnes qui ont elles-mêmes connu la précarité. Hind, par exemple, est arrivée chez Habitat & Humanisme après des années d’attente pour un logement. « La femme que je suis aujourd’hui, c’est grâce à tout ça », confie-t-elle. Soutenue par l’association elle a retrouvé sa voie professionnelle, puis est devenue bénévole elle-même. « J’ai voulu rendre ce qu’on m’a donné. On peut se mettre à la place du bénévole et du résident. » Elle s’efforce d’offrir la même qualité d’écoute : « C’est un accompagnement, pas une intrusion. » Et chaque fois qu’elle rencontre une nouvelle famille, elle se reconnaît dans leur histoire :
« Je me revois… Je revois mes enfants ».
Solinum, Victoria :
La dignité passe d’abord par le fait d’être correctement orienté. Une personne à qui on dit « va là-bas » et qui trouve une porte fermée parce que la structure a déménagé perd confiance dans l’action sociale. Avec Soliguide, elle peut choisir par elle-même l’organisme, ne plus dépendre uniquement d’un travailleur social ou d’un bénévole pour savoir où aller. Détenir l’information, c’est une forme de pouvoir. Le pouvoir d’agir et de décider pour soi-même.
Et puis il y a le bénévolat : certains nous disent « vous êtes la première personne que je rencontre qui n’est pas payée pour passer du temps avec moi ». Ça change tout. Le bénévolat redonne confiance dans les relations interpersonnelles.
Habitat et Humanisme, Emilia :
Les missions sont très variées :
- Accompagnement individuel de familles logées (administratif, santé, découverte du quartier…).
- Animation d’ateliers collectifs : jeux, sorties culturelles, jardinage, ateliers bien-être…
- Participation à la vie associative : événements, communication, soutien administratif, développement immobilier…
Rien n’est jamais imposé : ce sont des propositions dont chacun se saisit selon son parcours.
Solinum, Victoria :
Chez nous aussi, le bénévolat est indispensable : d’abord parce que nous ne faisons que référencer des ressources existantes qui ont été elles-mêmes créées par des bénévoles. Nous proposons notamment du télé-bénévolat, par exemple pour traduire le Soliguide dans différentes langues, ce qui permet à des personnes non francophones d’accéder à l’aide sociale.
J’avais envie de donner cet exemple pour rappeler que le bénévolat existe sous mille formes : selon son temps, son énergie, ses compétences, et même quand on a des problèmes de mobilité, on trouve toujours l’art et la manière de s’engager.
Habitat et Humanisme, Emilia :
Venez nous rencontrer ! Nos associations locales organisent régulièrement des réunions d’information. Les missions sont très diverses, plus ou moins engageantes, courtes ou longues. Il y en a pour toutes les envies et tous les profils.
Solinum, Victoria :
On gagne toujours plus que ce qu’on donne. On rencontre des gens, on apprend des choses, on grandit. J’ai plein d’amis qui se sont mis en couple grâce au bénévolat, c’est clairement mieux que Tinder ! Et surtout, ça donne un sens fou.
A propos de Décembre Ensemble

Décembre Ensemble est une campagne de mobilisation à l’initiative de JeVeuxAider.gouv.fr et en partenariat avec Emmaüs France, Habitat & Humanisme et Solinum. Elle permet de mettre de la magie dans le quotidien des personnes les plus isolées.
En France, 2,5 millions se sentent seules tous les jours ou presque*, et 350 000 personnes sont sans abris en France en 2025**, la période des fêtes est pour certains un moment de grande solitude et de détresse psychologique.
En parallèle, d’autres chiffres sont plus encourageants : 83% des Françaises et Français considèrent la création de lien social et de cohésion comme une priorité pour notre société et passent de la parole aux actes en s’engageant dans des activités collectives***.
*Baromètre 2025 des Petits Frères des Pauvres
**Rapport annuel 2025 Fondation Abbé Pierre
*** Etude de helloasso / OpinionWay 2024
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